Mon père, image dans le miroir(1)
Tu as été le grand absent de ma psychanalyse, ou plutot celui qui apparait dans les silences, les absences, les non dit, les trop de mer démontée, les pas assez de sens de la régle. Tu étais présent aussi dans mes retards aux séances, dans mes difficultés à dire sur le divan, probablement en écho à ton impossibilité à vivre en dehors du devoir que tu te fabriquais et que tu illustrais si bien par ton isolement social dû au travail et ta solitude de coureur de fond imaginaire.
La découverte de ton penchant volontairement immodéré pour l'alcool nous laissa longtemps sans voix. Après un de tes séjours à l'hopital, nous tes enfants avions enfin osé prendre la parole pour t'exprimer notre inquiétude sur ta conduite et ton addiction, pour te témoigner notre amour et la volonté de te vouloir en meilleure santé.
Dans cette voiture que je conduisais et qui te ramenait à la maison tu nous annonça après un de tes longs silences dont tu avais l'habitude : "demandez-moi ce que vous voulez les enfants mais je n'arrêterai pas de boire"
Cette phrase qui résonne encore dans ma tête me fit toucher du doigt ta résignation face à la vie et la désillusion de ton histoire d'amour pour cette femme fantasque et immature qu'était ma mère.
A 20 ans, après 2 ans de brouille et d'éloigement je fis ta connaissance après tant d'années de cohabitation étrangère, enfin délivré de la lourdeur de cette enfance trop contenue qui me pesait tant. Je compris plus tard qu'à ce moment là je t'avais reconnu et choisi pour père, car grâce à cette distance que j'avais pu mettre, je pouvais enfin réaliser ma vie et sortir de cette colle malheureuse et tenace d'un destin familial et social imposé.